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Chroniques
Massacre
opéra de Wolfgang Mitterer
S’il est un événement douloureux qui ternit l’image humaniste de la Renaissance, c’est bien le massacre perpétré par la ligue catholique sous les ordres du Louvre, plus particulièrement de Catherine de Médicis, la nuit de la Saint Barthélemy. Fruit de froids calculs politico-religieux d’une famille régnante en déliquescence, il laisse une tache indélébile qui ternira la France de longues années durant, malgré l’Édit de Nantes signé par Henri IV mais dénoncé par Louis XIV. La Révolution de 1789 n’y pourra rien changer. Ce fut une telle saignée que la France intellectuelle eût du mal à s’en remettre – un événement si atroce et douloureux qu’il inspira peu les musiciens, du moins directement.
C’est comme archétype que Wolfgang Mitterer (né en 1958) s’y attache, en puisant chez l’un des dramaturges les plus fameux de l’Angleterre d’Elizabeth I, Massacre à Paris de Christopher Marlowe (The massacre at Paris, 1593) , dont il fait le symbole de tous les massacres perpétrés depuis lors, jusqu’à nos jours, avec les pays de l’ex-Yougoslavie, les Hutus et les Tutsis, l’Afghanistan, etc.
Commande des Wiener Festwochen où il fut créé en 2003, l’opéra Massacre conte en dix-sept séquences la nuit de la Saint-Barthélemy et l'assassinat du duc de Guise. Faite d'objets trouvés dans le grand répertoire, le rock et autres musiques improvisées, la partition pour cinq chanteurs, neuf instruments et électronique abuse de l'amplification et s'avère d'une incessante tension. La production de T&M donnée ici – qui en avril sera reprise en région parisienne (notamment à la Cité de la musique) – a été présentée en 2007 au festival Musica de Strasbourg.
La mise en scène de Ludovic Lagarde est d’une grande beauté plastique, légèrement alourdie par la vidéo live qui fixe les traits des protagonistes et suscite des décalages avec le plateau tout en perdant le spectateur. Peter Rundel dirige avec allant et précision l’excellent Remix Ensemble. La distribution est homogène, avec un Lionel Peintre épatant, mais c’est l’extraordinaire Stéfany Ganachaud, dont le corps de danseuse est continuellement torturé par les protagonistes, qui s’impose comme l’élément central du spectacle, incarnant à elle seule toutes les souffrances et l’injustice qui annihilent l’humanité… de toute éternité.
BS